Législatives françaises : le CNRS voit la main invisible de Moscou dans la victoire de l’extrême droite

Africatualite – 03 juillet 2024. Une étude récente du CNRS, publiée ce dimanche 30 juin, aurait dévoilé des manigances d’ingérence numérique orchestrées par la Russie depuis 2016 et leur impact sur les élections législatives actuelles en France. Selon cette étude, le Kremlin viserait à affaiblir le front républicain face à l’extrême droite afin de « déstabiliser la société française de manière systémique et favoriser une transition vers une démocratie illibérale ».

Un contexte de reconfiguration politique

Les chercheurs affirment que les efforts du Kremlin pour manipuler l’opinion publique sont en train de porter leurs fruits. David Chevalarias, directeur de Recherches au CNRS, souligne que « à l’heure des législatives 2024, le Kremlin a rarement été aussi présent sur le territoire français », évoquant une présence significative d’agents russes en France, prêts à miner le soutien occidental à l’Ukraine et la détermination de l’OTAN.

La convergence d’intérêts avec l’extrême droite française

L’étude révèle une convergence d’intérêts entre le régime de Vladimir Poutine et l’extrême droite française. D’après les chercheurs, l’utilisation de bots pour influencer les résultats des élections est cruciale pour permettre l’ascension de personnalités politiques moins hostiles au régime russe. Ce phénomène avait déjà été observé lors de l’élection présidentielle de 2017 avec le piratage des serveurs de campagne d’Emmanuel Macron, connu sous le nom de #MacronLeaks.

Selon le rapport, le Rassemblement national (RN) n’a jamais eu autant de candidats liés au Kremlin ou affichant des positions pro-Poutine. Parmi eux, Pierre Gentillet, candidat RN dans la 3e circonscription du Cher, est mentionné comme membre du « cercle Pouchkine », une structure accueillant des réunions avec Xavier Moreau, propagandiste en chef du Kremlin pour la France.

Une stratégie de division

David Chevalarias, en s’appuyant sur une base de données de 700 millions de messages de près de 17 millions d’utilisateurs, démontre qu’une communauté de bots pilotée par la Russie instrumentalise la transformation du paysage politique français et la montée de l’extrême droite. Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale, ces manipulateurs d’opinions sur les réseaux sociaux se positionnent comme anti-système, exploitant l’actualité de chaque camp politique.

L’étude cite le compte @FRN sur X (anciennement Twitter), suivi par près de 254 000 personnes, comme exemple typique d’un compte opéré par le Kremlin. Ce compte se positionne au cœur de la passerelle entre les différents blocs de l’extrême droite et La France insoumise, diffusant des théories du complot à l’aide de vidéos soigneusement éditées.

Exploitation des tensions sociales

Le Kremlin utiliserait également le conflit israélo-palestinien et la montée de l’antisémitisme et de l’islamophobie en France pour attiser les divisions. En plus des actions numériques, le régime de Poutine aurait orchestré des incidents tels que les tags d’étoiles de David et les mains rouges sur le Mémorial de la Shoah.

Ces actions auraient pour but d’amplifier les tensions entre ceux préoccupés par le sort des Palestiniens et la montée de l’islamophobie, et ceux préoccupés par le sort des Israéliens et la montée de l’antisémitisme.

Une stratégie de longue haleine

Le rapport met en perspective la chronologie de ces ingérences, citant un proverbe du KGB : « la goutte d’eau creuse la pierre, non par force, mais en tombant souvent. » David Chevalarias explique que ces stratégies de basse intensité, souvent influencées par le Kremlin, selon lui, « se déploient sur des échelles de temps trop longues pour que les acteurs du débat en aient conscience ». L’ère numérique aurait permis cette stratégie via l’introduction de virus médiatiques capables de s’auto-entretenir et s’auto-reproduire.

Nuances et incertitudes

Malgré les preuves d’ingérences étrangères, l’efficacité réelle de ces procédés reste difficile à quantifier. David Chevalarias admet dans son rapport qu’il est impossible d’attribuer la situation politique actuelle à un unique acteur, rappelant que « les Français ou leurs gouvernements successifs sont par ailleurs tout à fait capables de se tirer une balle dans le pied tout seuls. »

Cette étude souligne la nécessité de rester vigilant face aux tentatives d’ingérence étrangère et de renforcer la résilience démocratique pour préserver l’intégrité des processus électoraux en Occident.

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